
À la Réunion : « Nous avions besoin d’un laboratoire local offrant une analyse rapide et accessible »
L’analyse de drogues à La Réunion est en plein développement ! Le projet de laboratoire du Réseau Oté vise à offrir un outil précieux pour les usagers, en complément du dispositif national SINTES. Nous avons rencontré Quentin Gorrias, qui coordonne le dispositif, pour comprendre les enjeux et les perspectives de ce laboratoire.
Quel est le contexte réunionnais ? Qu’est-ce qui rend l’analyse de drogues particulièrement nécessaire sur l’île ?
Quentin Gorrias : L’initiative est née d’une double dynamique. D’un côté, elle s’inscrit dans la continuité de la mise en place du collectif L’Effet en Fêt (collectif de réduction des risques en milieux festifs à la Réunion) et des actions de réduction des risques en milieux festifs. Depuis le début de nos interventions, il y a quatre ans, nous avons constaté une forte demande de la part des personnes rencontrées au stand. Beaucoup de personnes connaissaient déjà l’analyse de drogues en métropole et souhaitaient un dispositif similaire à la Réunion. Les organisateurs d’événements, notamment des festivals majeurs de l’île, ont également exprimé leur intérêt.
En parallèle, plusieurs crises sanitaires ont renforcé l’urgence d’un tel dispositif. La médiatisation de la « chimique » il y a quatre ou cinq ans, dont les analyse SINTES (dispositif d’analyse de drogues pour la veille sanitaire) ont révélé qu’elle contenait des cannabinoïdes de synthèse. Cette substance a entraîné des hospitalisations. Plus récemment, les nitazènes, opioïdes de synthèse très puissants, ont provoqué des décès. Ces événements ont suscité une prise de conscience : les usagers veulent connaître la composition de leurs produits.
Le dispositif SINTES a joué un rôle essentiel en identifiant ces substances, mais il ne répond pas aux besoins de la réduction des risques en temps réel. D’où la nécessité d’un laboratoire local, offrant une analyse rapide et accessible aux usagers.
Plusieurs crises sanitaires ont suscité une prise de conscience : les usagers veulent connaître la composition de leurs produits.
Quentin Gorrias
Qu’avez-vous choisi comme modèle pour le fonctionnement de ce nouveau laboratoire ?
Quentin Gorrias : Le laboratoire utilisera la chromatographie en phase liquide haute performance (HPLC) qui permet une analyse qualitative et quantitative. Il fonctionnera sur deux axes :
- une implantation fixe au CAARUD de Saint-Paul,
- une équipe mobile, avec un camion aménagé inspiré de celui d’Analyse ton prod’ IDF. Ce véhicule nous permettra d’aller vers les personnes qui utilisent des drogues, notamment en milieux festifs et en maraude.
Le but est d’atteindre des consommateurs qui ne fréquentent pas le CAARUD, souvent perçu comme un lieu stigmatisant. En couvrant différentes zones de l’île, nous espérons toucher un public plus large et diversifié.
Vous espérez toucher de nouveaux publics ?
Quentin Gorrias : Nous souhaitons aller à la rencontre de consommateurs moins visibles. L’analyse de drogues nous permet d’entrer en contact avec des personnes qui n’ont pas de problème apparent avec leur consommation mais s’interrogent sur la qualité et la composition de leurs produits.
Ce dispositif peut également aider à déconstruire certaines représentations. Par exemple, certaines personnes pensent pouvoir déterminer la pureté d’une substance à l’œil, ce qui est souvent faux. L’analyse devient alors un levier pour questionner leurs perceptions et introduire une véritable culture de la réduction des risques.
Vous faites partie du réseau national Analyse ton prod’ : qu’est-ce que cela vous apporte ?
Quentin Gorrias : Le partage d’expérience est très enrichissant même si l’éloignement géographique et le décalage horaire posent parfois des contraintes. Nous avons pu visiter le laboratoire d’Analyse ton prod’ Île-de-France, ce qui nous a évité de nombreuses erreurs, sur la gestion des permanences de collecte par exemple.
L’appui sur les questions technique (matériel, protocoles…) a aussi été d’une aide précieuse. Monter un laboratoire d’analyse de drogues sans cette expertise aurait été très complexe. Le réseau Analyse ton prod’ offre aussi un annuaire de personnes ressources, ce qui est rassurant aussi bien pour nous que pour les financeurs.
Et les prochaines étapes ?
Quentin Gorrias : Nous devons finaliser les aspects logistiques : installation du laboratoire, organisation de l’équipe. La logistique est particulièrement complexe à la Réunion, mais nous espérons pouvoir lancer l’activité en juin.
Dans un second temps, nous aimerions contribuer à l’amélioration des pratiques au sein du réseau Analyse ton prod’. En échangeant avec d’autres structures, nous avons constaté que de nombreuses bonnes pratiques existent, mais elles sont encore peu formalisées. Il y a un réel potentiel pour structurer et mutualiser ces connaissances !
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