L’analyse de drogue au Hadra Trance Festival 2024
En août 2024, plusieurs associations de réduction des risques ont mis en place un dispositif commun d’analyse de drogues dans l’Allier, au Hadra Trance festival. Elles vous livrent ici leur expérience !
Un intervention commune pour une demande exceptionnelle
Appelez le Guinness book ! Nouveau record du nombre d’analyses de drogue sur un évènement : 217 ! Blague à part, et surtout ce n’est pas un concours, ce chiffre nous fait surtout plaisir au vue de l’énergie que cela nous a couté. Donc bravo à nous ! les 60 intervenant.e.s en réduction des risques des 6 associations présentes : Ekinox, Le tipi, Techno+, Keep Smiling, Axess, et le CAARUD Addictions France de Montluçon.
D’abord un petit mot sur ce festival de musique électronique qui a lieu dans l’Allier : quinzième édition, organisé par l’association grenobloise Hadra, 4 scènes, 4 jours de musique non stop, avec 10 000 participant.e.s. Un festival qui a toujours été très impliqué et pionner sur l’accueil de son public : un espace camping en mixité choisie, un autre pour les personnes porteuses de handicap (psy et/ou physique), traducteurs en LSF sur le festival, etc. Cette année a donc été la première fois que l’analyse de drogue a été proposé aux festivalier.e.s, avec pas un, mais bien deux spectromètres infrarouge installés, ceux de Techno+ et Axess. Avec cinq analystes formé·es présent·es qui se sont relayé·es tous les jours pour proposer de faire analyser son produit entre 14h et 01h, avec souvent les deux machines simultanément.
Des intervenants mis à l’épreuve et des pistes pour l’avenir
En ce qui concerne les produits n’étant pas ce que les personnes espéraient : nous avons eu les habituels paracétamol à la place de la cocaïne, la 2-MMC, ou autres, à la place de la 3-MMC, et l’incontournable pierre d’Alun à la place du crystal de MDMA. Plus orignal nous avons retrouvé plusieurs fois du Parexyl sous forme d’ecstasy rouge avec une forme de « Punisher ». Il y a eu aussi un évènement assez particulier : lors d’une analyse pour un ecstasy, un usager a demandé si nous pouvions lui affirmer l’absence de fentanyl, ce qui n’était pas possible vu les limites de la technique utilisée ici. Cette personne à lancé la rumeur d’ecstasys « casa del papel » gris coupés au fentanyl circulant sur le festival. La rumeur est allée très vite, en quelques heures de nombreuses de personnes sont venues faire analyser leur produit en rapportant avoir entendu cette info par d’autres festivalier.e.s.
Le lendemain, la situation s’était calmée, mais elle a soulevé des questions sur la manière de réagir efficacement à ce type d’événement. Devons-nous publier sur les réseaux sociaux ? Afficher une pancarte sur notre stand ? Comment aurions-nous dû réagir si du fentanyl avait été trouvé ?
Qu’il y ait ou non une analyse de drogues sur place, les rumeurs sont courantes en contexte festif. Il est indispensable que les intervenant.e.s en RDR puissent garder leur sang froid face à ces situations, en évitant de céder à la panique du public. Il est possible de rationaliser ces alertes en se basant d’abord sur nos observations, puis sur les analyses que l’on effectue sur le terrain. Pour cela, il est essentiel d’avoir des équipes formées, avec une solide expertise des produits, de leurs interactions, des usages, et disponibles pour échanger avec un public qui peut rapidement s’inquiéter.
En conclusion, l’analyse de drogue est largement plébiscitée et sollicitée par les fêtard.e.s, la majorité des personnes attendent même de faire analyser leur produit avant de le consommer, ce qui nous permet d’informer en amont pour sécuriser au mieux cette consommation imminente. Le spectromètre infrarouge, avec sa réponse très rapide et sa large base de données, permet de toucher un nombre impressionnant de personnes, pour qui c’est souvent la 1ère fois qu’elles discutent avec un.e intervenant.e.s de RDR en tête à tête, car ce n’est pas le public qui fréquentent les CAARUD et CSAPA en général.
Pour certaines situations, comme ici le fentanyl, où le qualitatif est nécessaire, l’ajout de bandelettes réactives,d’une CCM ou HPLC pourrait être pertinent pour compléter la qualité des résultats où cette technique non séparative atteint ses limites.
Cette expérience a été très formatrice, nous permettant à Axess et Techno+, de comparer nos protocoles, d’affiner nos réflexions d’interventions et d’avoir une culture commune autour de l’analyse de drogues le plus efficace possible. C’est malheureusement exceptionnel d’avoir un tel dispositif en milieu festif aux vues de nos moyens très limités, pour pouvoir absorber une aussi grande demande, pour un public qui nous fait sincèrement confiance. Confiance qui est le fruit de plusieurs décennies de militantisme et de sueurs non rémunérées.
Thone Van den Broek
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